Histoire


1921, présence française en Syrie et au Liban ?

Que pouvait bien faire l’armée française en Syrie en 1921 ? On nous a appris qu’il y avait eu 14‐18, qu’on avait ensuite crié « La der des der », et puis qu’on avait malheureusement remis ça en 39‐45 ! Et voilà qu’en grattant un peu, on découvre qu’en fait, ça ne s’est jamais arrêté ! La Syrie ? Là où ça saigne aujourd’hui ? Nous aurions donc quelque chose à voir avec l’Histoire de ce Pays ? Avec l’Histoire d’un Proche‐Orient si proche qu’on se demande bien, de loin, pourquoi le sang ne cesse de couler là‐bas… Devant les documents transmis par son arrière-grand‐père, la jeune femme nous livre ses interrogations.

Aujourd'hui j'écris, comme mon arrière-grand-père sur un petit cahier, à la main.

Je suis chez moi, je m'interroge : qu'est-ce qu'il pouvait bien faire en Syrie en 1921 ?  La première guerre mondiale était finie. J'essaye de me souvenir des mes cours d'Histoire.

Première guerre mondiale - Tranchées - Lignes de front - Bataille de la Somme - Poilus - Gueules cassées - Seconde guerre mondiale - Bombes - Destruction - Camps de concentration - Extermination - Occupation - Résistance libération  - Guerre d'Indochine - Guerre d'Algérie - Indépendance - Chute du mur de Berlin - Guerre au Liban - Et aujourd'hui la Syrie, des dizaines et des dizaines de morts chaque jour… En tout cas, aucun souvenir d'avoir appris que la France était présente militairement en Syrie en 1921.
Tiffany Mouquet

La jeune femme est, comme bien des français, totalement ignorante d’une partie de l’Histoire de son propre pays. Pourtant, cette Histoire n’est pas si ancienne, même pas un siècle. Et l’Histoire contemporaine complexe du Proche-orient peut difficilement être comprise si l’on n’a pas en tête les événements de cette période et la partition des anciennes provinces arabes de l’Empire Ottoman découlant directement des accords de paix signés au sortir de la Première Guerre Mondiale, principalement entre la France et l’Angleterre. Au moment où nous allons aborder les commémorations du centenaire de ce conflit, il n’est peut-être pas inutile de le rappeler.

Pour répondre aux interrogations de la jeune femme et éclairer le témoignage de Jules Mouquet, l’émission tentera donc d’apporter une part d’information historique. Celle-ci pourra être véhiculée par des extraits de documentaires et par des documents d’archives – lus ou montrés – proposés par le technicien, pas si amateur que ça, finalement !  Elle pourra également être transmise par le personnage du comédien qui, fan de Lawrence d’Arabie, s’est passionné sur cette période.


Un peu d’Histoire, dans les grandes lignes !

A l’aube de la Première Guerre Mondiale, la Syrie et le Liban actuels sont sous domination Ottomane depuis plusieurs siècles. Ils forment une seule et même province englobée sous le nom de Grande Syrie. Pendant le conflit, l’empire Ottoman s’engage aux côtés de l’Allemagne. Dès 1916, en prévision d’une victoire sur les Turcs, l’Angleterre et la France négocient leurs futures zones d’influence au Proche-Orient (Accords secrets Sykes-Picot). Les intérêts pétroliers sont déjà présents.

Néanmoins, les alliés encouragent le soulèvement des populations arabes de ces régions contre les Turcs, promettant la création d’un grand état arabe indépendant. C’est dans ce contexte que Thomas Edward Lawrence, immortalisé dans le film Lawrence d’Arabie, est envoyé sur place par les anglais. Il rencontre un fort soutien dans la dynastie hachémite qui règne sur la Mecque et va fédérer le soulèvement arabe. Le 10 juin 1916, le chérif Hussein, sur la foi des promesses britanniques, se proclame roi des arabes et lève l’étendard de la révolte contre les Turcs. Les anglais chassent les Turcs de Palestine et de Syrie avec l’aide des hachémites conduits par le prince Fayçal, fils du chérif Hussein.

A l’automne 1918, les Syriens se rallient à Fayçal ; le commandement de la révolte arabe s’installe à Damas et Fayçal y proclame un gouvernement arabe provisoire au nom de son père. L'Angleterre soutien Fayçal qui tente de négocier son royaume indépendant, mais la France réclame l’application des accords Sykes-Picot. L’Angleterre se retire finalement de Syrie, laissant Fayçal et les nationalistes arabes dans un face à face tendu avec la France.

En avril 1920, le Conseil supérieur interallié (britanniques, français, grecs, italiens, japonais, belges) élabore le traité de Sèvre qui doit établir les conditions de paix avec la Turquie. Il se prononce sur le partage des anciennes provinces arabes de l’Empire Ottoman et octroie officiellement un « mandat » à la France sur la Grande Syrie. Les troupes françaises peuvent alors marcher sur Damas, écraser l’armée de l’état nouvellement constitué autour de Fayçal et combattre les derniers nationalistes qui poursuivent la révolte jusqu’en 1923.

Dans le cadre de ce mandat, qui doit être de courte durée, la présence française à pour mission d’accompagner le pays vers l’indépendance. Dans les faits, celle-ci s’apparente à une occupation coloniale qui ne diffère guère de celle « importée » des pays d’Afrique du Nord. Le choix d’un militaire, le général Gouraud, au Haut Commissariat n’est pas anodin. La Syrie ne recouvrera une administration civile qu’en 1927.


Pour faire taire les velléités nationalistes, la France va découper le pays en plusieurs petites unités administratives. C’est ainsi que sont créés, notamment, l’état du Grand Liban (1920) et l’état d’Alexandrette (1923). En 1939, la France cèdera le Sandjak d’Alexandrette à la Turquie, espérant ainsi s’assurer la neutralité de ce pays dans le nouveau conflit qui s’annonce. Elle ne quittera la Syrie qu’en 1946, après un ultime soulèvement durement réprimé et l’intervention de l’Angleterre qui somme la France de se retirer. 
                                                                                                                                                     
Quant à l’Angleterre, en 1920, elle obtient « un mandat » sur la Palestine et la Mésopotamie (Irak). Elle va devoir concilier la déclaration de Balfour de 1917 en faveur de la création d’un foyer national juif et sa promesse de création d’un vaste état arabe indépendant.

Elle place Fayçal à la tête de l’Irak et assure son frère, Abdullah, de la création d’un émirat dans la partie orientale de la Palestine, opérant ainsi une première partition du pays. En 1946, Abdullah obtient de l’Angleterre l’indépendance de son émirat élevé au rang de royaume indépendant sous le nom de Jordanie.

En 1947, incapable de maintenir l’ordre et la paix dans ce qu’il reste de la Palestine, l’Angleterre remettra son mandat aux Nations-Unies qui voteront la partition du pays en deux états, l’un juif, l’autre arabe.

En l’Irak, si le pays accède à l’indépendance en 1932 sous la pression de la Société des Nations, l’Angleterre continue d’y imposer la monarchie hachémite pour garder le contrôle sur les intérêts stratégiques du pays (notamment l’exploitation du pétrole à Mossoul et Kirkuk). Une monarchie en manque de légitimité qui devra faire face à des coups d’états à répétition, le dernier portant les militaires au pouvoir, en 1958.

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